Une découverte archéologique d’ampleur faite à Bassing, en Moselle, a été présentée début décembre par l’Institut national de recherche archéologique préventive. Un véritable trésor, composé de 1 165 pièces d’argent rarissimes ou inédites, a été déterrés du chantier de la prochaine ligne à grande vitesse de l’Est. Les fouilles ont également mis à jour un grand nombre d’objets, d’armes et de bijoux artisanaux de l’époque romaine.
C’est une grande villa tranquille et à l’abri, juste après la guerre des Gaules. Le propriétaire des lieux, un riche guerrier aristocrate, prépare l’argent pour payer ses troupes. En attendant le jour de solde, il le cache chez lui. Il ne reviendra sans doute jamais le chercher car, plus de 2000 ans plus tard, le trésor refait surface un peu par hasard, là où il fut laissé.
De mars à août 2 010, les équipes de l’Institut national de recherche archéologique préventive (INRAP) effectuent les travaux de fouilles préventives sur le chantier du LGV Est à Bassing en Moselle, comme le veut la réglementation sur les chantiers colossaux. Au fur et à mesure des recherches, des pièces de monnaies antiques sont retrouvées au milieu de nombreux autres vestiges. C’est au total 1 165 pièces gauloises, enterrées puis oubliées, qui seront récupérés. D’une valeur historique inestimable, elles sont éparpillées depuis le moyen âge par labours successifs sur le terrain de 3,5 ha.
Trouver autant de pièce de monnaie sur le même site est exceptionnel explique Pierre Marie Guihard, numismate de l’université de Caen chargé par l’Inrap d’étudier ce trésor monétaire. « Le volume des pièces de monnaie du premier siècle avant notre ère est très petit, et n’a rien à voir avec celui de l’ère Romaine qui suivra. Pour exemple, seules 400 pièces furent retrouvées à Alésia. »
Ces monnaies sont donc encore assez méconnues, et difficilement identifiables car chaque peuple gaulois créait sa propre monnaie. Or, celles retrouvées à Bassing sont caractérisées par des noms de personne et de lieu gravé dessus. « De plus, ajoute le spécialiste des monnaies anciennes, l’étude archéométrique permet de connaître la composition exacte du métal ou de l’alliage que constitue la pièce. »
Cela permet de connaître la provenance des minerais et d’étudier l’approvisionnement en matière première entre les différents peuples gaulois. Ce nombre considérable de pièces rarissimes permettra une réelle avancée sur les connaissances du monnayage gaulois.
Le travail de l’Inrap ne s’arrête pas à la seule découverte. À l’origine, ce trésor monétaire serait le fond d’un chef d’armée aristocrate, destiné à régler le solde de ses troupes. Cette conclusion est posée en décembre 2012, lors de l’annonce officielle de la découverte, soit deux ans après le premier coup de pelle à Bassing.
Comme l’explique Jean-Louis Laffite, l’archéologue chargée de l’étude, « différents scénarios sont élaborés après la phase de fouille ». C’est en comparant « les travaux d’expertises et d’identification des vestiges avec ce que l’on sait déjà » que les chercheurs ont pu retrouver l’origine de ces deux kilos de métaux précieux.
En effet, des textes antiques de Jules César racontent qu’il est courant pour les hauts personnages de posséder des troupes personnelles, financées à leurs frais. De plus, le type de monnaies retrouvé n’était pas destiné aux échanges commerciaux mais servait exclusivement à payer fonctionnaires et soldats.
Mais c’est le contexte archéologique du site qui permet d’affiner l’hypothèse posée, et donne à Bassing son caractère historique exceptionnel. En plus du trésor monétaire, les restes d’une vaste villa gallo-romaine, des armes et du matériel d’agriculture sont retrouvés en grand nombre et en bon état grâce à leur conservation dans l’argile du sol. Leur étude révèle le fonctionnement probable de l’exploitation et le statut de ses habitants : occupé pendant près de 1 000 ans, où se succèdent les époques gauloises, gallo-romaines, puis romaines, les restes de l’exploitation révèlent le statut privilégié de ses habitants, dans lequel des activités de fonderie, filature, tissage, cordonnerie complétaient les ressources issues de l’agriculture.
C’est en janvier 2013 qu’aura lieu la publication officielle de l’étude archéologique de Bassing. L’ensemble des objets retrouvés et des pièces de monnaie seront alors rendus à l’Office régional d’archéologie, chargé d’évaluer leur propriétaire aujourd’hui : l’État, la SNCF, la région…
Il est fort probable qu’en finalité, ces vestiges exceptionnels et les pièces rarissimes finissent dans un musée, afin que tous puissent profiter des histoires qu’ils ont à raconter.
Et si le chef de guerre gaulois cherche enfin à récupérer son trésor, il n’aura pas besoin de creuser. On l’aura fait pour lui.
Ismael Berkoun
Exercie: Article scientifique de trois feuillets avec interviews de deux intervenants.