Une fabuleuse mer grise, du sable dans les chaussures, la rotation des éoliennes sur le port de Boulogne-sur-Mer, une ville au style architectural caractéristique de l’après-guerre. Au milieu de ce décor trône un énorme blockhaus contenant près de 40 000 animaux dans 4,5 millions de litres d’eau de mer, pour une surface visitable de 5 000 m2 : Nausicaa.
Mais Nausicaá ce n’est pas qu’un aquarium. C’est aussi LE formidable promoteur de l’écologie culpabilisatrice. Ouvert en 1991, l’objectif du centre national de la mer est de nous faire comprendre que notre planète bleue est en danger. Et qu’il faudrait peut-être se réveiller. Dans chaque salle, un panneau nous explique en quoi nous sommes responsables de la disparition d’espèces toutes ressemblantes (avouons-le, parfois juste repoussante) et de l’engloutissement d’atolls où on n’aura jamais la thune pour y mettre les pieds. On a aussi droit à la reconstitution d’une maison où on apprend que le frigo représente un tiers de la consommation d’électricité d’un foyer, et la machine à laver un autre tiers, et les lumières un autre tiers… Juste à côté, on peut essayer le dernier né des usines Renault, Twizzy, la voiturette électrique qui abaissera les « émissions en CO2 du parc automobile de Nausicaa ». Et Ouais. Rien que ça. Y en a beaucoup des voitures dans un aquarium géant.
Une structure d’un tel gabarit a-t-elle les moyens de sa politique ? Une visite des coulisses révélera qu’ils ont pensé à tout. Mais que des efforts restent à faire.
Une quantité d’eau et d’électricité entièrement maîtrisée
À la construction, les aquariums vides ont été remplis progressivement durant plusieurs mois, afin de ne pas perturber l’écosystème marin du Boulonnais. Les 4 500 m3 d’eau constituant l’ensemble des bassins sont divisés en 5 circuits de température différente, en fonction du type d’espèce et la région du monde d’où elle provient. L’eau est quotidiennement renouvelée à hauteur de 3 %.
« Cette quantité d’eau est filtrée quand on la récupère, afin de ne pas laisser entrer de polluants pour les poissons, détaille Romain, aquariologiste du réseau « Californie ». L’eau rejetée est également filtrée et nettoyée. » Isolants thermiques, bassin en métal, concentration des locaux et traitement d’eau utilisant des procédés chimiques, matériau filtrant en verre recyclé… Tout est pensé afin de minimiser la perte d’eau tout en la gardant de qualité. « Même les chasses d’eau des toilettes du centre proviennent de ce système, et les nitrates et nitrites issus des déjections de poissons sont utilisés pour arroser les plantes » ajoute fièrement l’employé.
Pour Stéphane Hénard, le responsable aquariologique du centre, l’économie et l’écologie sont partout. « Notre veille technologique continuelle nous pousse à tester tout nouveau matériel permettant un impact minimum. » Ainsi, la chaleur des pompes hydraulique sert à chauffer l’eau, un maximum de vitres est installé permettant ainsi 80 à 90 % de luminosité d’origine naturelle… Chiffres prouvés par des études indépendantes. Le seul hic, c’est que Nausicaa n’utilise pas du tout d’énergie renouvelable. « Nous n’avons pas encore trouvé la technique au meilleur rendement énergétique, mais on travaille afin d’y parvenir le plus rapidement possible. » Étrange… Trois éoliennes sont installées à cent mètres de là. La plage du Boulonnais est dans le radar d’EDF depuis des années pour l’installation d’une centrale de production d’énergie marémotrice. D’autres ont donc déjà bien avancé sur le sujet…
De moins en moins d’association dans le Boulonnais
La chose intéressante à savoir est que jusqu’à la fin des années 1990, l’association Boulonnais Nature Environnement était très active dans la ville et ses alentours. Jacques, un membre de l’Adelpha, l’« Assemblée pour la Défense de l’Environnement du Littoral Flandre-Artois » dont faisait partie l’association, s’en souvient très bien. « Boulonnais Nature Environnement fut de moins en moins active après l’arrivée de Nausicaa », se remémore-t-il.
La ville avait financé en grande partie Nausicaa. Les subventions pour les associations, surtout celles en environnement, furent sabrées. « À quoi bon faire partie d’une association qui organise des nettoyages de plages, des sorties avec les enfants et des séances de sensibilisation quand des gens formés sont payés à le faire ? » conclut-il.
Une mise en scène et une boutique « qui rend serein »
Alors, si on est déçu de n’avoir rien trouvé à reprocher à Nausicaa, si l’on considère que les 17,95 € déboursés suffisent amplement à nous déculpabiliser et si les beaux objets Made in China de la boutique souvenirs ne motivent pas à protéger l’environnement, on peut se faire plaisir avec un des super CD de musique aquatique (seulement 10 € ! Moins cher que le dernier Nicki Minaj). Dans tous les aquariums du monde il y a ce son, un mélange entre musique de yoga et cris de baleines, un truc censé être apaisant quand on a un groupe scolaire en train de hurler en martelant les vitres de leurs petits poings. Mais qui compose cette musique à laquelle les visiteurs prêtent aussi peu d’attention qu’aux textes explicatifs ? J’ai toujours cru que les patrons d’aquarium du monde entier se partageaient sous le manteau cette poignée de morceaux psychédélique enregistré sous coke. Et bien non. C’est l’œuvre de Michel Redolfi, « célèbre » (Euh…) compositeur subaquatique et designer sonore. Sa musique, programmée minute par minute sur toute la semaine, est diffusée dans près de 60 enceintes réparties dans l’édifices, et est savamment étudiée afin de rendre serein « aussi bien le monde animal que celui des hommes ». Oui, de la coke je vous dis.
Décidément, Nausicaa à vraiment pensé à tout.